Extradition et peine disproportionnée : un contrôle strictement encadré par la jurisprudence
Dans une décision récente, la Cour de cassation rappelle que le contrôle exercé par le juge français en matière d’extradition est strictement encadré, notamment lorsque la personne réclamée invoque un risque de peine disproportionnée dans l’État requérant. Ce contrôle s’inscrit dans le cadre de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH), qui impose de refuser l’extradition en cas de risque réel de traitement inhumain ou dégradant.
Des critères d’appréciation rigoureux
L’arrêt commenté concerne un ressortissant coréen visé par un mandat d’arrêt délivré par la République de Corée, pour des infractions économiques majeures punies de la réclusion à perpétuité. La chambre de l’instruction, saisie de la demande d’extradition, a analysé la nature et la gravité des faits reprochés, les conditions de jugement dans l’État requérant, ainsi que le régime applicable à la peine.
La Cour rappelle que la seule sévérité de la peine prévue par l’État requérant ne suffit pas à justifier un refus d’extradition. Il appartient aux juges d’examiner si la peine encourue est manifestement disproportionnée au regard des faits, selon une appréciation souveraine. Cette position s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la CEDH, notamment les arrêts Harkins et Edwards c/ Royaume-Uni (2012) et Bijan Balahan c/ Suède (2023).
Des garanties effectives dans l’État requérant
Les juges français ont noté que les infractions reprochées étaient graves — abus de biens sociaux, escroquerie, infractions boursières — et portaient sur plusieurs dizaines de milliards de wons. En droit coréen, la réclusion à perpétuité est réservée aux cas où le montant du préjudice atteint un seuil élevé, soit cinq milliards de wons.
En outre, la chambre de l’instruction a souligné que la libération conditionnelle est possible, y compris pour les condamnés à la perpétuité, sous certaines conditions : après vingt ans de détention ou un tiers de peine. Ces garanties ont été explicitement reconnues par les autorités sud-coréennes.
Un contrôle de légalité par la Cour de cassation
La Haute juridiction confirme que l’avis favorable rendu par la chambre de l’instruction respecte les exigences de l’article 696-15 du Code de procédure pénale. Elle rappelle que son contrôle ne porte pas sur l’opportunité de la décision, mais uniquement sur la légalité de l’analyse opérée par les juges du fond.
La jurisprudence française se montre donc constante : en matière d’extradition, l’allégation de disproportion doit reposer sur des éléments concrets et étayés. La gravité des faits, les garanties procédurales offertes par l’État requérant et l’existence d’une possibilité de libération conditionnelle sont autant de facteurs qui peuvent justifier un avis favorable à l’extradition.