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Télétravail et indemnité d’occupation du domicile : la position de la Cour de cassation évolue

Travail et social - Travail et social
27/05/2025

Depuis plusieurs années, la question de l’indemnisation des salariés en télétravail pour l’usage de leur domicile personnel revient régulièrement devant les juridictions. Une récente décision de la Cour de cassation laisse entrevoir une évolution jurisprudentielle en faveur d’une reconnaissance plus systématique de ce droit.

Le principe actuel d’indemnisation

Lorsque l’employeur demande expressément au salarié de travailler depuis son domicile, cette situation est considérée comme une immixtion dans la vie privée, justifiant le versement d’une indemnité d’occupation, en plus de la prise en charge des frais professionnels générés (électricité, abonnement internet, etc.). Ce principe est déjà bien établi par la jurisprudence (Cass. soc. 7 avril 2010, n° 08-44.865 ; Cass. soc. 14 septembre 2016, n° 14-21.893).

De même, si aucun local professionnel n’est mis à disposition du salarié, une indemnité est également due (Cass. soc. 12 décembre 2012, n° 11-20.502). En revanche, lorsque le télétravail est initié à la demande du salarié, aucune indemnité ne s’impose à l’employeur (Cass. soc. 4 décembre 2013, n° 12-19.667).

Une nouvelle interprétation à travers le prisme du télétravail

Dans une décision du 19 mars 2025 (Cass. soc. n° 22-17.315), la Cour de cassation a élargi sa lecture des situations d’occupation du domicile en se référant à l’article L 1222-9 du Code du travail, relatif au télétravail. Même si le télétravail n’était pas directement évoqué, la Cour a considéré que le salarié pouvait prétendre à une indemnité d’occupation dans deux cas :

  • lorsqu’aucun local professionnel n’est mis à disposition ;
  • ou lorsqu’il a été convenu que le travail s’effectue en télétravail.

Un arrêt rendu le 2 avril 2025 (Cass. soc. n° 23-22.158) a confirmé cette lecture.

Quels enjeux pour les employeurs ?

Cette orientation jurisprudentielle pose plusieurs questions pratiques majeures :

  • Un accord exprès sur le télétravail devra-t-il être systématiquement établi pour justifier l’indemnité ?
  • Cette indemnité concernera-t-elle uniquement les salariés en télétravail total, ou aussi ceux en télétravail partiel ?
  • Selon quels critères l’indemnité devra-t-elle être calculée ?

Il convient également de rappeler que si le Code du travail ne prévoit pas explicitement la prise en charge des coûts liés au télétravail, la jurisprudence et les accords nationaux interprofessionnels (ANI) de 2005 et 2020 imposent déjà une compensation des frais professionnels. L’indemnité d’occupation évoquée ici constitue un élément distinct, lié à l’usage d’un espace personnel à des fins professionnelles.

Conclusion

L’évolution de la jurisprudence vers une reconnaissance plus claire du droit à indemnité en télétravail invite les employeurs à la vigilance. Il est conseillé de formaliser les accords de télétravail et d’anticiper les modalités d’indemnisation pour éviter tout contentieux. Si la Cour de cassation esquisse déjà la tendance, les contours précis de cette indemnisation restent encore à définir.