Responsabilité des employeurs successifs dans l’indemnisation du préjudice d’anxiété lié à l’amiante
Dans une décision récente, la Cour de cassation a apporté des précisions sur la responsabilité des employeurs successifs en matière d’indemnisation du préjudice d’anxiété subi par un salarié exposé à l’amiante.
Un salarié, ayant travaillé dans une usine exploitée par cinq entités successives, a saisi le conseil de prud’hommes, avec d'autres collègues, pour obtenir réparation de plusieurs préjudices, dont l’anxiété liée à l’exposition à l’amiante. Une demande parallèle visant à faire inscrire l’établissement concerné sur la liste ouvrant droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité a été rejetée par l’administration, puis confirmée par le juge administratif.
Principe de responsabilité et transmission du contrat
En vertu de l’article L. 1224-2 du Code du travail, lors d’un transfert d’entreprise, seul le nouvel employeur est responsable des obligations résultant de la poursuite du contrat. Toutefois, en l’absence de collusion frauduleuse, l’ancien employeur n’est pas systématiquement mis hors de cause.
La Cour rappelle que le salarié exposé à l’amiante peut agir contre son employeur sur le fondement du manquement à l’obligation de sécurité, conformément au droit commun. Le préjudice d’anxiété est caractérisé non par l’exposition en elle-même, mais par les troubles psychologiques nés de la connaissance du risque élevé de développer une maladie grave.
Responsabilité conjointe des employeurs successifs
Les juges du fond avaient retenu que le salarié pouvait se tourner indifféremment vers l’ancien ou le nouvel employeur, les deux étant tenus in solidum pour les manquements antérieurs au transfert. Cependant, le dernier employeur conserve la faculté de se retourner contre le précédent pour obtenir le remboursement de la part de responsabilité correspondant à la période d’activité concernée.
Dans le cas présent, la présence d’amiante dans l’entreprise a été avérée jusqu’en 1991, bien que le transfert du contrat soit intervenu en 1988. Les juges ont fixé à 10 % la part de responsabilité de l’ancien employeur, sur la base de la durée effective d’exposition sous sa gestion. Le reliquat, soit 90 %, a été mis à la charge du dernier employeur.
Une erreur d’analyse retenue par la Cour de cassation
La Cour de cassation sanctionne néanmoins l’analyse de la cour d’appel. En effet, cette dernière avait constaté que les salariés n’avaient pas conscience du risque avant septembre 1988, soit après le transfert du contrat. En conséquence, le préjudice d’anxiété ne pouvait naître qu’à une date postérieure au transfert, ce qui excluait toute responsabilité de l’ancien employeur.
Conclusion : Cette décision confirme que le préjudice d’anxiété ne peut être imputé qu’au moment où le salarié prend réellement conscience du risque, ce qui limite la responsabilité de l’ancien employeur lorsque cette prise de conscience intervient après le transfert du contrat. La Cour rappelle ainsi l’importance de respecter la chronologie des faits et le principe de substitution d’employeur en matière de transmission de contrat de travail.